Cette décision vient mettre un terme au contentieux, initié il y a une décennie par plusieurs dizaines de milliers d’entreprises redevables de la CSPE, en raison de son incompatibilité avec le droit de l’UE.
Pour mémoire, cette incompatibilité partielle ne fait plus doute depuis que la Cour de justice de l’UE a jugé qu’en raison de sa contrariété avec la directive relative aux droits d’accise, les contribuables peuvent prétendre à un remboursement partiel de la CSPE acquittée à compter du 1er janvier 2009, sous réserve que cette taxe n’ait pas été répercutée par ces contribuables sur leurs propres clients (CJUE, 25 juil. 2018, Messer France SAS, C-103/17).
Ce droit à remboursement partiel est ouvert au titre de la contribution acquittée sur la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2015, le régime de la CSPE ayant été réformé à compter du 1er janvier 2016 dans le respect des exigences du droit de l’Union.
Une ordonnance du 26 février 2020 est alors intervenue pour prévoir un règlement transactionnel par la Commission de régulation de l’énergie du remboursement de la CSPE.
Toutefois, on se souvient que, par une avis contentieux Société Praxair de juillet 2015, le Conseil d’Etat a jugé que, s’agissant d’une imposition non régie par le livre des procédures fiscales (LPF), les réclamations tendant à sa restitution doivent suivre les règles édictées par le code de justice administrative (CJA, articles R. 772-1 et suivants).
Se posait dès lors la question de savoir si la prescription quadriennale, qui ne s’applique pas aux impositions régies par le LPF, s’applique aux demandes de restitution de la CSPE.
En effet, en vertu des articles 2 et 6 de la loi du 31 décembre 1968 qui institue cette prescription, il appartient à l’administration d’opposer la prescription quadriennale au créancier qui, en l’absence de recours juridictionnel, n’a pas renouvelé sa demande de paiement ou sa réclamation avant l’expiration du délai de quatre ans courant à compter du premier jour de l’année suivant celle de son dépôt.
Par l’avis contentieux rendu le 17 octobre, le Conseil d’Etat apporte une réponse claire à cette question : si la prescription quadriennale est écartée pour les impositions régies par le LPF, qui ont pour effet d’instaurer un régime de prescription spécial, elle s’applique en revanche aux impositions qui, telles que la CSPE, ne sont pas soumises à un régime légal spécial de prescription.
Il en résulte, certes, qu’une réclamation portant sur la CSPE interrompt la prescription pour le délai de quatre ans, prévu par la loi du 31 décembre 1968, courant à compter du premier jour de l’année suivant celle de son dépôt. Toutefois, il appartient à l’administration – en l’occurrence la CRE – d’opposer la prescription dans l’hypothèse où le contribuable, en l’absence de recours juridictionnel devant le juge de l’impôt, n’aurait pas renouvelé sa réclamation avant l’expiration de ce délai.
Le Conseil d’Etat précise pour finir que le fait que le contribuable a présenté une demande dans le cadre de la procédure de règlement transactionnel prévue par l’ordonnance du 26 février 2020 est sans incidence sur ce point.
Par conséquent, au regard des années concernées par ce contentieux de masse (2009 à 2015), les réclamations en restitution de la CSPE qui n’ont pas été suivies par une saisine du tribunal administratif ou par le renouvellement de la réclamation dans ce délai de quatre ans suivant la première réclamation tomberont sous le coup de cette prescription et seront vouées au rejet.
En pratique
Réclamations relatives à des impositions non visées par le LPF, ne pas manquer de saisir la juridiction contentieuse compétente dans les 4 ans .
Nota : La rubrique “En pratique” est conçue pour permettre aux professionnels de la fiscalité d’appréhender rapidement les conséquences pratiques d’un texte afin d’en faciliter la lecture et la mémorisation. De par sa nature, le contenu de cette rubrique peut être réducteur. De plus, elle est rédigée en simultané avec le texte principal et n’est pas mise à jour en fonction de l’évolution des textes, ni de leur interprétation par la jurisprudence ou la doctrine.
Compte tenu de la sensibilité, de la variété des situations, des enjeux et de l’évolution constante de la matière fiscale, il est recommandé aux non-spécialistes de consulter un professionnel, le plus souvent un avocat fiscaliste, pour assurer la sécurité juridique de leurs opérations. La rédaction décline toute responsabilité quant à l’application des mesures présentées dans la rubrique “En pratique”.
(…) En ce qui concerne la prescription quadriennale :
6. Aux termes de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics : » Sont prescrites, au profit de l’Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n’ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (…) « . Aux termes de l’article 2 de la même loi : » La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l’autorité administrative (…) ; / Tout recours formé devant une juridiction (…) / Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l’interruption. Toutefois, si l’interruption résulte d’un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée « . Selon l’article 6 de cette loi : » Les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi / Toutefois, par décision des autorités administratives compétentes, les créanciers de l’Etat peuvent être relevés en tout ou en partie de la prescription, à raison de circonstances particulières et notamment de la situation du créancier (…) « . Aux termes de l’article 7 de cette loi : » L’Administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d’une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l’invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond. / En aucun cas, la prescription ne peut être invoquée par l’Administration pour s’opposer à l’exécution d’une décision passée en force de chose jugée « .
7. Il résulte des dispositions des articles 2 et 6 de la loi du 31 décembre 1968 qu’il appartient à l’autorité administrative d’opposer la prescription quadriennale au créancier qui, en l’absence de recours juridictionnel, n’a pas renouvelé sa demande de paiement ou sa réclamation avant l’expiration du délai de quatre ans courant à compter du premier jour de l’année suivant celle de son dépôt.
Sur la première question relative à la contestation du refus de remboursement partiel de la contribution au service public de l’électricité :
8. Il résulte des dispositions citées aux points 4 et 5 que, pour mettre en oeuvre le droit à remboursement partiel de la contribution au service public de l’électricité découlant de l’arrêt de la Cour de justice du 25 juillet 2018 mentionné au point 3, l’ordonnance du 26 février 2020 et le décret du 30 octobre 2020 ont institué une procédure administrative standardisée de remboursement, dénommée règlement transactionnel, dont l’unique objet est d’autoriser le président de la Commission de régulation de l’énergie à procéder au remboursement du montant de taxe dû, calculé sur la base des taux forfaitaires annuels fixés à l’article 6 du décret, sans aucune modulation possible, au paiement des intérêts moratoires prévus par l’article R. 208-1 du livre des procédures fiscales ainsi que, le cas échéant, au remboursement des frais exposés par le contribuable. Lorsque le contribuable accepte le montant du remboursement qui lui est ainsi proposé, il renonce à tout recours ultérieur ayant le même objet et, s’il a déjà introduit un recours devant la juridiction administrative, accepte de se désister de l’instance en cours.
9. Eu égard à l’objet de la procédure de remboursement instituée par l’ordonnance du 26 février 2020 et le décret du 30 octobre 2020, dans le cadre de laquelle le président de la Commission de régulation de l’énergie ne peut procéder au remboursement du montant de la taxe que sur la base des taux forfaitaires annuels fixés par le décret, le refus opposé par le président de la Commission à une demande tendant à un tel règlement transactionnel ne constitue pas un acte détachable de la procédure d’imposition, de sorte que sa contestation relève exclusivement du recours de plein contentieux susceptible d’être formé devant le juge de l’impôt, quel que soit le motif de refus opposé au contribuable.
10. Lorsque le contribuable a saisi le juge administratif de conclusions tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de la décision par laquelle le président de la Commission de régulation de l’énergie a rejeté une demande présentée dans le cadre de cette procédure de règlement transactionnel, il appartient au juge de requalifier ces conclusions comme tendant au remboursement partiel de la contribution. Si le contribuable présente de telles conclusions alors qu’il a déjà introduit devant le juge de l’impôt un recours à la suite du rejet, exprès ou implicite, de sa réclamation initiale, ces nouvelles conclusions sont examinées dans le cadre de l’instance engagée devant le juge de l’impôt.
Sur la deuxième question relative à l’application de la prescription quadriennale aux créances afférentes aux impositions mentionnées au second alinéa de l’article R. 772-1 du code de justice administrative :
11. Il résulte des termes mêmes de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics, que la prescription quadriennale instituée par cette loi n’est applicable que sous réserve des dispositions définissant un régime légal de prescription spécial à une catégorie déterminée de créances susceptibles d’être invoquées à l’encontre de l’une de ces personnes morales de droit public. Tel est le cas pour les créances relatives aux impositions entrant dans le champ d’application du livre des procédures fiscales, dont les dispositions, prises dans leur ensemble, définissent de manière exhaustive les règles applicables aux actions relatives aux créances et aux dettes fiscales pour les impositions qui en relèvent et ont en particulier pour effet d’instituer, pour celles-ci, un régime légal de prescription propre aux créances fiscales dont les contribuables entendent se prévaloir envers l’Etat. Par suite, les dispositions de la loi du 31 décembre 1968 ne sont pas applicables aux réclamations qui sont présentées, instruites et jugées dans les formes prévues par le livre des procédures fiscales.
12. En revanche, il ne résulte d’aucune disposition législative ni, en tout état de cause, d’aucun principe général régissant le contentieux fiscal que les créances afférentes aux impositions mentionnées au second alinéa de l’article R. 772-1 du code de justice administrative seraient, quant à elles, exclues du champ d’application de la loi du 31 décembre 1968. Il en résulte qu’une réclamation portant sur une telle imposition, présentée dans le délai fixé à l’article R. 772-2 du code de justice d’administrative, interrompt la prescription pour le délai de quatre ans, prévu au dernier alinéa de l’article 2 de la loi du 31 décembre 1968, courant à compter du premier jour de l’année suivant celle de son dépôt et qu’il appartient à l’autorité administrative compétente d’opposer la prescription dans l’hypothèse où le contribuable, en l’absence de recours juridictionnel devant le juge de l’impôt, n’aurait pas renouvelé sa réclamation avant l’expiration de ce délai.
Sur la troisième question relative à l’application de la prescription quadriennale à la contribution au service public de l’électricité :
13. Il résulte de ce qui a été dit au point 12 que la prescription quadriennale peut en principe être opposée aux créances fiscales afférentes à la contribution au service public de l’électricité, dont le contentieux est régi par le code de justice administrative.
14. En outre, en adoptant les dispositions du III de l’article 57 de la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi précisant les conditions dans lesquelles le président de la Commission de régulation de l’énergie est autorisé, en vue de mettre un terme aux litiges liés au paiement de la contribution au service public de l’électricité au titre des années 2009 à 2015, à transiger sur les demandes de restitution, ainsi que celles de l’article 104 de la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, ratifiant l’ordonnance du 26 février 2020, le législateur n’a pas entendu faire obstacle à l’application de la loi du 31 décembre 1968. Les dispositions de l’ordonnance du 26 février 2020 n’ont pas davantage dérogé aux dispositions de la loi du 31 décembre 1968 et n’ont pas institué de régime légal de prescription propre aux créances fiscales considérées.
15. Il en résulte que les dispositions de la loi du 31 décembre 1968 sont applicables aux créances relatives à la contribution au service public de l’électricité, notamment celles portant sur les années 2009 à 2015, sans que s’y oppose la circonstance que, dans le cadre de la procédure de règlement transactionnel, ne soit pas mentionné, au nombre des pièces à joindre à la demande du contribuable, le cas échéant, de document valant renouvellement de la réclamation initiale aux fins de prolonger l’interruption du délai de prescription. Il appartient, dès lors, au président de la Commission de régulation de l’énergie d’opposer la prescription quadriennale au contribuable qui, en l’absence de recours formé devant le juge de l’impôt, n’a pas renouvelé sa réclamation avant l’expiration du délai de quatre ans prévu au dernier alinéa de l’article 2 de la loi du 31 décembre 1968, quand bien même sa demande présentée dans le cadre de la procédure de règlement transactionnel a été assortie de l’ensemble des pièces exigées par les dispositions de l’ordonnance du 26 février 2020 et du décret du 30 octobre 2020.
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