Aux termes du II de l’article 209 du CGI, en cas de fusion ou opération assimilée placée sous le régime de faveur de l’article 210 A, les déficits non encore déduits par la société absorbée peuvent être transférés, sur agrément, à la société absorbante et sont imputables sur les bénéfices ultérieurs de celle-ci.
Afin de limiter les risques d’optimisation fiscale liés à de telles opérations, le législateur a durci par la loi de finances rectificative pour 2012 les conditions dans lesquels un tel agrément peut être obtenu.
Jusque-là délivré à la double condition que l’opération soit justifiée d’un point de vue économique et réalisée pour des raisons autres que fiscales et que l’activité à l’origine des déficits soit poursuivie par la société absorbante pendant au moins trois ans, l’obtention de l’agrément suppose désormais également une stabilité passée de l’activité de la société absorbée.
Cette troisième condition est destinée à éviter des situations dans lesquelles le déficit transféré aurait été volontairement créé à la faveur d’une modification de l’activité de la société absorbée, afin de pouvoir effacer une partie du résultat de l’absorbante.
Le Conseil d’Etat a déjà eu l’occasion de préciser la portée de ce dispositif dans une décision société Alliance Négoce du 2 avril 2021 (n° 429319), dans laquelle il a jugé que la réduction du nombre de salarié et des moyens de production de l’entreprise dans un contexte de dégradation de ses parts de marché ne suffit pas, à elle seule, à caractériser l’existence d’un changement significatif lorsqu’elle est destinée à assurer le maintien du volume de l’activité à l’origine des déficits.
Au cas d’espèce, la société absorbée a vu son chiffre d’affaire divisé par 5 sur une période de cinq exercices, et a été contrainte de réduire ses effectifs de 25 à 7 salariés au cours de cette même période, dans le cadre d’un plan de redressement qui a été couronné de succès, puisqu’il a permis d’assurer la sauvegarde de l’entreprise et un retour à l’équilibre, en préservant l’emploi des personnels essentiels à l’activité de la société. Le Conseil d’Etat a été sensible à ces éléments de contexte et censuré l’arrêt de la cour administrative d’appel qui avait jugé que, du fait des changements intervenus, l’activité de la société s’était trouvée significativement modifiée.
En pratique
Pour transférer les déficits non déduits d’une société absorbée lors d’une fusion, justifiez pourquoi un plan de redressement a été mis en place et assurez-vous de pouvoir prouver que la décision n’était pas motivée uniquement pour des raisons fiscales.
Nota : La rubrique “En pratique” est conçue pour permettre aux professionnels de la fiscalité d’appréhender rapidement les conséquences pratiques d’un texte afin d’en faciliter la lecture et la mémorisation. De par sa nature, le contenu de cette rubrique peut être réducteur. De plus, elle est rédigée en simultané avec le texte principal et n’est pas mise à jour en fonction de l’évolution des textes, ni de leur interprétation par la jurisprudence ou la doctrine.
Compte tenu de la sensibilité, de la variété des situations, des enjeux et de l’évolution constante de la matière fiscale, il est recommandé aux non-spécialistes de consulter un professionnel, le plus souvent un avocat fiscaliste, pour assurer la sécurité juridique de leurs opérations. La rédaction décline toute responsabilité quant à l’application des mesures présentées dans la rubrique “En pratique”.
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3. Il résulte des dispositions du b du II de l’article 209 du code général des impôts que la condition qu’elles énoncent tient à ce qu’examinée pour elle-même, l’activité transférée à la société absorbante n’ait pas fait l’objet de changement significatif pendant la période au titre de laquelle ont été constatés les déficits dont le transfert est demandé. La période sur laquelle est appréciée cette condition s’étend de l’exercice de naissance des déficits en cause jusqu’à celui au cours duquel est effectuée la demande tendant à leur transfert. Eu égard aux conditions et modalités d’exercice de l’activité transférée durant cette période, l’agrément peut toutefois être accordé par l’administration pour une fraction seulement des déficits dont le transfert est demandé. Eu égard à ces mêmes conditions et modalités d’exercice, le juge de l’excès de pouvoir, saisi d’une argumentation en ce sens, peut annuler un refus d’agrément en tant seulement qu’il refuserait le transfert d’une fraction des déficits concernés.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Metalic a demandé le 24 mars 2017 le transfert à son profit des déficits reportables constatés dans la comptabilité de la société Fonderie Rhône au terme des exercices clos les 31 décembre 2011, 2014 et 2015 et non encore déduits. Devant le tribunal administratif puis devant la cour administrative d’appel, la société a demandé l’annulation du refus d’agrément qui lui a été opposé et, à titre subsidiaire, son annulation en tant qu’il a refusé le transfert des déficits constatés à la clôture des seuls exercices 2014 et 2015.
5. D’une part, il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que, pour rejeter les conclusions de la société Metalic et de son mandataire judiciaire tendant à l’annulation du refus de lui délivrer l’agrément demandé, la cour administrative d’appel a relevé que la production vendue par la société Fonderie Rhône avait chuté de 1,6 million d’euros au terme de l’exercice clos le 31 décembre 2011 à 288 000 euros au terme de l’exercice clos le 31 décembre 2016 et que les effectifs de la société, au nombre de 25 au 31 décembre 2011, s’établissaient à seulement 7 au 31 décembre 2016. En se fondant sur ces seuls éléments pour juger que les baisses ainsi constatées étaient constitutives d’un changement significatif de l’activité de la société absorbée au sens des dispositions du b du II de l’article 209 du code général des impôts, sans prendre en compte l’ensemble des éléments caractérisant l’activité de la société au cours de la période et le contexte économique dans lequel ces évolutions en termes de chiffre d’affaires et d’effectifs s’inscrivaient, la cour a commis une erreur de droit.
6. D’autre part, en refusant de se prononcer sur les conclusions subsidiaires présentées par la société, tendant à l’annulation du refus d’agrément pour les seuls exercices 2014 et 2015, au motif que la demande de transfert présentée par la société Metalic ne présentait pas un caractère divisible, la cour a également commis une erreur de droit. (…)
Annulation de l’arrêt attaqué.
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