On sait que l’exonération d’impôt sur la fortune en faveur des biens professionnels s’applique aux parts et actions d’une société dont le contribuable est dirigeant et dont il contrôle au moins le quart du capital.En effet, sous l’empire de l’ex-impôt de solidarité sur la fortune, l’article 885 O bis du CGI, applicable jusque 2017, regardait comme des biens professionnels les parts et actions de sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés à condition, notamment, que leur propriétaire exerce dans la société l’une des fonctions de direction mentionnée par la loi (gérant nommé conformément aux statuts d’une SARL ou SCA, associé en nom d’une société de personnes, président, directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire d’une SA) et qu’il possède 25 % au moins des droits de vote attachés aux titres émis par la société. Cette exonération était susceptible de s’appliquer en cas de détention indirecte : l’article 885 O bis ajoutait en effet que les titres détenus dans une société possédant une participation dans la société dans laquelle le redevable exerce ses fonctions sont pris en compte dans la proportion de cette participation.
Dans chacun des deux litiges tranchés par la Cour de cassation le 14 février, le contribuable était associé d’une société holding qui avait souscrit des obligations remboursables en actions (ORA) émises par une société dont il était dirigeant (directeur général et président directeur général respectivement). Le contribuable avait estimé pour exonérer d’ISF, en tant que biens professionnels, ses parts de la holding à hauteur de leur valeur représentative des ORA, au motif qu’il était dirigeant de la société dont la holding avait souscrit des ORA et que ces dernières avaient été comptabilisées en fonds propres par cette société, et non en dettes. L’administration a remis en cause cette exonération et imposé la valeur des titres de la société holding à concurrence de la valeur de l’actif brut de cette société correspondant aux ORA.
Dans les deux arrêts commentés, la Cour de cassation valide ces redressements. Relevant que les ORA sont, jusqu’à leur remboursement, des obligations, si bien que le porteur d’ORA est titulaire d’une créance d’attribution d’actions, la Cour en déduit que les ORA détenues par la société holding ne pouvaient être qualifiées de biens professionnels et être exclues du total de l’actif brut cette société mentionné par le contribuable dans ses déclarations d’ISF.
Elle juge en effet, d’une part, que les ORA émises par une société dans laquelle le redevable exerce ses fonctions ne constituent pas des parts ou actions de cette société et, par conséquent, ne sont pas susceptibles d’être considérées comme des biens professionnels et, d’autre part, qu’a fortiori la détention d’ORA émises par une société dans laquelle le redevable exerce ses fonctions ne constitue pas une participation, au sens des dispositions de l’article 885 O bis du CGI relatives aux participations indirectes.
En pratique
Les ORA émises par une société dans laquelle le redevable exerce ses fonctions ne peuvent pas être considérées comme des biens professionnels.
Nota : La rubrique “En pratique” est conçue pour permettre aux professionnels de la fiscalité d’appréhender rapidement les conséquences pratiques d’un texte afin d’en faciliter la lecture et la mémorisation. De par sa nature, le contenu de cette rubrique peut être réducteur. De plus, elle est rédigée en simultané avec le texte principal et n’est pas mise à jour en fonction de l’évolution des textes, ni de leur interprétation par la jurisprudence ou la doctrine.
Compte tenu de la sensibilité, de la variété des situations, des enjeux et de l’évolution constante de la matière fiscale, il est recommandé aux non-spécialistes de consulter un professionnel, le plus souvent un avocat fiscaliste, pour assurer la sécurité juridique de leurs opérations. La rédaction décline toute responsabilité quant à l’application des mesures présentées dans la rubrique “En pratique”.
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1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 3 janvier 2022) et les productions, M. [X] [S] est l’associé unique de la société holding de droit belge Forestheir, laquelle a souscrit des obligations remboursables en actions (ORA) émises par la société par action simplifiée Groupe petit [S], anciennement dénommée Sylve Invest (la société [S]), dont M. [S] est directeur général.
2. Le 25 novembre 2015, l’administration fiscale a notifié à M. et Mme [S] une proposition de rectification au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) pour les années 2009 à 2013 et de contribution exceptionnelle sur la fortune au titre de l’année 2012, remettant en cause l’exonération, au titre des biens professionnels, de la valeur des titres de la société Forestheir à concurrence de la valeur réelle de l’actif brut de cette société correspondant aux ORA qu’elle avait souscrites auprès de la société [S].
3. Après avis de mise en recouvrement (AMR) et rejet de leur réclamation, M. et Mme [S] ont saisi le tribunal judiciaire afin d’obtenir l’annulation de l’AMR et de la décision de rejet de leur réclamation.
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6. Selon l’article 885 E du code général des impôts, alors applicable, l’assiette de l’ISF est constituée par la valeur nette au 1er janvier de l’année, de l’ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux personnes visées à l’article 885 A du même code.
7. Il résulte des articles 885 A et 885 O bis, 2°, du code général des impôts, alors applicables, que sont considérés comme des biens professionnels exonérés d’ISF les parts et actions d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés dans laquelle le redevable exerce l’une des fonctions énumérées au 1° de ce texte, à condition que le redevable possède 25 % au moins des droits de vote attachés aux titres émis par la société, directement ou par l’intermédiaire de son conjoint ou de leurs ascendants ou descendants ou de leurs frères et surs. Les titres détenus dans les mêmes conditions dans une société possédant une participation dans la société dans laquelle le redevable exerce ses fonctions sont pris en compte dans la proportion de cette participation ; la valeur de ces titres qui sont la propriété personnelle du redevable est exonérée à concurrence de la valeur réelle de l’actif brut de la société qui correspond à la participation dans la société dans laquelle le redevable exerce ses fonctions.
8. Il résulte de l’article L. 213-5 du code monétaire et financier que les obligations sont des titres de créance négociables qui, dans une même émission, confèrent les mêmes droits de créance pour une même valeur nominale.
9. Après avoir exactement énoncé que les ORA, instruments financiers hybrides, sont, jusqu’à leur remboursement, des obligations, l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu’un porteur d’ORA est titulaire d’une créance d’attribution d’actions automatiquement souscrites par le remboursement des ORA. Il retient encore que la société Forestheir, qui a souscrit en 2007 des ORA émises par la société [S] qui ont été remboursées par anticipation en 2012, détenait une créance d’attribution d’actions.
10. L’arrêt, qui ne constate pas que l’administration a été saisie de la rectification d’une erreur comptable, relève également que la société Forestheir, a enregistré les ORA en tant que valeurs mobilières de placement au compte 27 intitulé « autres immobilisations financières » qui regroupe les droits de créances.
11. De ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d’appel a exactement déduit que les ORA détenues par la société Forestheir ne pouvaient être qualifiées de biens professionnels et être exclues du total de l’actif brut de la société Forestheir mentionné par M. et Mme [S] dans leurs déclarations d’ISF.
12. Le moyen, inopérant en sa seconde branche, n’est donc pas fondé pour le surplus.
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1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 1er mars 2021) et les productions, M. [O] [X] est associé de la société holding de droit belge Forest One, laquelle a souscrit des obligations remboursables en actions (ORA) émises par la société par actions simplifiée Groupe petit [X], anciennement dénommée Sylve Invest, dont M. [X] est président directeur général.
2. Le 26 novembre 2015, l’administration fiscale a adressé à M. et Mme [X] une proposition de rectification portant rappel d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et de contribution exceptionnelle sur la fortune, remettant en cause l’exonération, au titre des biens professionnels, de la valeur des titres de la société Forest One à concurrence de la valeur réelle de l’actif brut de cette société correspondant aux ORA qu’elle avait souscrites auprès de la société [X].
3. Après rejet de leur réclamation, M. et Mme [X] ont assigné l’administration fiscale aux fins d’obtenir la décharge des droits supplémentaires réclamés.
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6. Il résulte des articles 885 A et 885 O bis, 2°, du code général des impôts, alors applicables, que sont considérés comme des biens professionnels exonérés d’ISF les parts et actions d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés dans laquelle le redevable exerce l’une des fonctions énumérées au 1° de ce texte, à condition que le redevable possède 25 % au moins des droits de vote attachés aux titres émis par la société, directement ou par l’intermédiaire de son conjoint ou de leurs ascendants ou descendants ou de leurs frères et surs. Les titres détenus dans les mêmes conditions dans une société possédant une participation dans la société dans laquelle le redevable exerce ses fonctions sont pris en compte dans la proportion de cette participation ; la valeur de ces titres qui sont la propriété personnelle du redevable est exonérée à concurrence de la valeur réelle de l’actif brut de la société qui correspond à la participation dans la société dans laquelle le redevable exerce ses fonctions.
7. Les ORA constituent, dans le patrimoine de leur souscripteur, jusqu’à leur remboursement, des obligations ayant la nature de créances, peu important qu’elles soient inscrites, dans la comptabilité de la société émettrice, dans la catégorie des fonds propres et non dans celle des dettes.
8. Il s’ensuit que les ORA émises par une société soumise à l’impôt sur les sociétés dans laquelle le redevable exerce ses fonctions ne constituent pas des parts ou actions de cette société et, par conséquent, ne sont pas susceptibles d’être considérées comme des biens professionnels.
9. Ne constitue a fortiori pas une participation, au sens de l’article 885 O bis, 2°, du code général des impôts, la détention d’ORA émises par une société dans laquelle le redevable exerce ses fonctions, de sorte que la valeur des titres de la société détentrice de ces ORA, qui sont la propriété personnelle du redevable, ne saurait être exonérée à concurrence de la valeur réelle de l’actif brut de cette société correspondant à la valeur desdites ORA.
10. Le moyen, qui postule le contraire, n’est donc fondé en aucune de ses branches.
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