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Intérêts intra-groupe : vers un revirement de jurisprudence de la CJUE ?

Dans des conclusions du 14 mars, l’avocat général N. Emiliou propose de juger que constituent des montages purement artificiels les prêts intragroupe dénués de justification économique, conclus principalement dans le but de créer une dette déductible, qu’ils soient ou non conclus dans des conditions de pleine concurrence. Il s’agit de revenir sur la jurisprudence Lexel de 2021.

A la faveur d’une question préjudicielle néerlandaise (affaire X BV, C-585/22), de nouvelles précisions sont attendues sur la notion de montage purement artificiel, dans le cas des prêts intra-groupe.

Par un arrêt Lexel du 20 janvier 2021, la CJUE a jugé qu’une mesure anti-abus en matière d’intérêts intra-groupe ne peut être justifiée par l’objectif de remettre en cause spécifiquement les montages purement artificiels lorsque les transactions conclues dans des conditions de pleine concurrence tombent sous le coup de cette mesure (point 53 de l’arrêt). Selon la Cour, il ne suffit pas de constater que la dette est souscrite pour des raisons principalement fiscales : encore faut-il, pour justifier une atteinte à la liberté d’établissement, que soit en cause un transfert artificiel de bénéfices, ce que la Cour entend comme un prêt conclu dans des conditions qui ne répondent pas au principe de pleine concurrence (points 54 à 56 de l’arrêt).

A la lumière de cette jurisprudence, la Cour suprême des Pays-Bas a interrogé la Cour à titre préjudiciel afin de savoir s’il est possible de qualifier de montage purement artificiel la souscription d’une dette sans motif économique, visant uniquement à créer une charge déductible, même lorsque le taux d’intérêt est identique à celui qui aurait été convenu entre des sociétés indépendantes.

Dans ses conclusions, l’avocat général invite explicitement la Cour « à revoir la position qu’elle a adoptée dans l’arrêt Lexel » (point 71 des conclusions).

Revenant aux principes dégagés en grande chambre sur la notion de montage purement artificiel (cf. les arrêts du 26 février 2019, C‑115/16 et s.), il rappelle que constitue une pratique abusive le fait pour des opérateurs économiques établis dans différents États membres d’effectuer « des opérations purement […] artificielles, dénuées de […] justification économique et commerciale » (ou, en d’autres termes, « qui ne reflètent pas la réalité économique »), en remplissant ainsi uniquement de manière formelle les conditions pour bénéficier d’un avantage fiscal, « dans le but essentiel de bénéficier [de cet] avantage ». Il considère que cette interprétation vaut également pour les transactions intragroupe relevant de la liberté d’établissement.

Sur cette base, il estime que la Cour devrait la Cour s’écarter des points 53, 54 et 56 de l’arrêt Lexel et juger que « constituent des « montages purement artificiels » les prêts intragroupe dénués de justification économique et/ou commerciale, conclus uniquement (ou principalement) dans le but de créer une dette déductible pour la société emprunteuse, qu’ils soient ou non conclus dans des conditions de pleine concurrence » (point 83 des conclusions). Il conclut que les dispositions nationales visant de tels prêts doivent être considérées comme nécessaires au regard de l’objectif d’empêcher ces « montages ».

Nota : La rubrique “En pratique” est conçue pour permettre aux professionnels de la fiscalité d’appréhender rapidement les conséquences pratiques d’un texte afin d’en faciliter la lecture et la mémorisation. De par sa nature, le contenu de cette rubrique peut être réducteur. De plus, elle est rédigée en simultané avec le texte principal et n’est pas mise à jour en fonction de l’évolution des textes, ni de leur interprétation par la jurisprudence ou la doctrine.

Compte tenu de la sensibilité, de la variété des situations, des enjeux et de l’évolution constante de la matière fiscale, il est recommandé aux non-spécialistes de consulter un professionnel, le plus souvent un avocat fiscaliste, pour assurer la sécurité juridique de leurs opérations. La rédaction décline toute responsabilité quant à l’application des mesures présentées dans la rubrique “En pratique”.

 

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