En vertu de l’article 768 du code général des impôts, pour la liquidation des droits de mutation par décès, les dettes à la charge du défunt sont déduites lorsqu’elles sont certaines au jour de l’ouverture de la succession et justifiées. Cette règle était aussi applicable à l’ISF, dès lors que l’article 885 D du CGI renvoyait, pour l’assiette de cet impôt, aux règles applicables aux droits de succession.
Les dettes fiscales figurent parmi les dettes qui sont ainsi déductibles de l’actif successoral. Toutefois, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, lorsqu’une dette fiscale est contestée par le redevable au jour du décès, elle doit être regardée comme incertaine et ne peut dès lors être déduite de l’actif successoral, aussi longtemps qu’elle reste litigieuse (Cass. com., 16 nov. 1999, n° 97-16.072). Il en va de même en matière d’ISF (Cass. com., 13 janv. 1998, n° 96-10.352).
Par un arrêt du 4 avril 2024, la Cour de cassation prend position sur l’hypothèse où la dette n’est pas encore contestée au jour du fait générateur de l’impôt, mais le devient ensuite.
En l’espèce, la cour d’appel de Montpellier avait confirmé le redressement opéré par l’administration fiscale en matière d’ISF au motif que les réclamations du contribuable, visant à contester plusieurs dettes fiscales (IR, TVA, taxe d’habitation et taxe professionnelle), avaient été formées avant le rejet de ses réclamations relatives à l’ISF : ces dettes n’étaient donc pas certaines à la date du rejet de sa demande relative à l’ISF. Selon la cour d’appel, le fait que ces dettes n’aient été contestées qu’après le 1er janvier de l’année d’imposition, fait générateur de l’ISF, était indifférent.
La Cour de cassation casse cet arrêt pour violation de la loi : elle juge que c’est à la date du fait générateur de l’impôt qu’il faut apprécier si la dette fiscale est certaine. Elle déduit en effet de l’article 768 du CGI que « ce n’est qu’à compter du jour où elle est contestée qu’une dette établie à la suite d’une procédure de redressement peut être considérée comme incertaine et, par suite, ne peut figurer au passif déductible de l’assiette de l’ISF ». Dès lors, « une dette qui, au 1er janvier de l’année d’imposition, ne faisait l’objet d’aucune contestation, est déductible de l’assiette de l’ISF (…), quand bien même cette dette ferait l’objet d’une contestation ultérieure ».
Cette solution est transposable aux droits de succession puisqu’elle est fondée sur une interprétation de l’article 768 du CGI, applicable tant à l’impôt sur la fortune qu’aux droits de mutation par décès. Ainsi, dans l’hypothèse où les héritiers introduisent, après l’ouverture de la succession, une réclamation pour contester certaines dettes fiscales à la charge du défunt, ces dettes n’en sont pas moins certaines à la date du fait générateur de l’impôt. L’arrêt ne dit toutefois pas quelles conséquences tirer, le cas échéant, d’une décision de l’administration qui ferait droit à une telle réclamation et dégrèverait l’impôt mis à la charge du défunt.
En matière d’impôt sur la fortune immobilière (IFI), cette solution ne présente plus d’intérêt que pour les dettes relatives à des impôts dus à raison des propriétés imposables (par ex. dettes de taxe foncière ou d’IFI) : en effet, ce sont là les seules dettes fiscales qui demeurent déductibles sous l’empire de cet impôt (CGI, art. 974, I, 4°).
En pratique
En matière de droits de succession et d’impôt sur la fortune, une dette fiscale est déductible lorsqu’elle n’est contestée qu’après le fait générateur de l’impôt.
Nota : La rubrique “En pratique” est conçue pour permettre aux professionnels de la fiscalité d’appréhender rapidement les conséquences pratiques d’un texte afin d’en faciliter la lecture et la mémorisation. De par sa nature, le contenu de cette rubrique peut être réducteur. De plus, elle est rédigée en simultané avec le texte principal et n’est pas mise à jour en fonction de l’évolution des textes, ni de leur interprétation par la jurisprudence ou la doctrine.
Compte tenu de la sensibilité, de la variété des situations, des enjeux et de l’évolution constante de la matière fiscale, il est recommandé aux non-spécialistes de consulter un professionnel, le plus souvent un avocat fiscaliste, pour assurer la sécurité juridique de leurs opérations. La rédaction décline toute responsabilité quant à l’application des mesures présentées dans la rubrique “En pratique”.
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