Aller au contenu

Charte du contribuable vérifié : une méconnaissance parfois sans conséquences

CE, 18 juin 2024, n° 472077, société Carla : le Conseil d’Etat juge que la mention, dans la réponse aux observations du contribuable (ROC), de ce qu'il est ou non possible de demander la saisine de la CDI, prévue par la Charte du contribuable vérifié, ne constitue pas une garantie dont la méconnaissance rend la procédure irrégulière.

La décision rendue par le Conseil d’Etat le 18 juin dernier vient éclairer la portée concrète de certaines exigences posées par la Charte du contribuable vérifié.

On sait que, en vertu de l’article L. 10 du LPF, les dispositions contenues dans cette charte sont opposables à l’administration. Le Conseil d’Etat en a déduit, selon une jurisprudence ancienne, que les agents de l’administration sont tenus, lors des vérifications de comptabilité, de respecter les règles qui, ne trouvant pas de fondement légal dans d’autres articles du CGI ou du LPF, figurent néanmoins dans la charte à la date où ce document est remis au contribuable, dès lors que ces règles ont pour objet de garantir les droits du contribuable vérifié. Au cas où le vérificateur méconnaîtrait ces règles, et notamment les formalités qu’elles comportent, il appartient au juge de l’impôt, selon cette jurisprudence, d’apprécier si cette méconnaissance a eu le caractère d’une irrégularité substantielle portant atteinte aux droits et garanties reconnus par la charte du contribuable vérifié (CE, 10 nov. 2000, n° 204805, Milhau).

Dans la présente affaire, était en cause l’exigence, prévue par la Charte, que le vérificateur indique, dans la réponse aux observations du contribuable, la possibilité ou non de demander que le litige soit soumis à la CDI, compte tenu des chefs de redressements.

En effet, la société requérante avait fait l’objet d’une vérification de comptabilité, à l’issue de laquelle des suppléments d’IS et rappels de TVA avaient été mis à sa charge ; or, le vérificateur avait omis d’indiquer, dans la ROC, si la possibilité de saisir la CDI lui était ou non ouverte. Les juges de première instance et d’appel avaient considéré qu’il n’y avait pas là d’irrégularité de nature à entraîner la décharge de ces redressements.

Dans son arrêt, le Conseil d’Etat confirme la position de l’administration : il juge que la mention, dans la ROC, de ce qu’il est ou non possible de demander la saisine de la CDI compte tenu de la nature des rectifications maintenues ne constitue pas une garantie dont la méconnaissance aurait le caractère d’une irrégularité de nature à entraîner la décharge de l’imposition, l’absence de cette mention n’étant pas susceptible de priver le contribuable du droit qu’il tient de l’article L. 59 du livre des procédures fiscales de saisir cette commission en cas de désaccord persistant.

Il en déduit qu’en l’espèce, l’omission du vérificateur de mentionner la possibilité de saisir la CDI ne constitue pas une irrégularité de nature à entraîner la décharge de l’imposition.

Cette décision vient ainsi préciser la portée de la Charte : seules les exigences qui constituent une garantie pour le contribuable justifient, lorsqu’elles sont méconnues par le vérificateur, la décharge des redressements.

Nota : La rubrique “En pratique” est conçue pour permettre aux professionnels de la fiscalité d’appréhender rapidement les conséquences pratiques d’un texte afin d’en faciliter la lecture et la mémorisation. De par sa nature, le contenu de cette rubrique peut être réducteur. De plus, elle est rédigée en simultané avec le texte principal et n’est pas mise à jour en fonction de l’évolution des textes, ni de leur interprétation par la jurisprudence ou la doctrine.

Compte tenu de la sensibilité, de la variété des situations, des enjeux et de l’évolution constante de la matière fiscale, il est recommandé aux non-spécialistes de consulter un professionnel, le plus souvent un avocat fiscaliste, pour assurer la sécurité juridique de leurs opérations. La rédaction décline toute responsabilité quant à l’application des mesures présentées dans la rubrique “En pratique”.

(…)

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’à la suite d’une vérification de comptabilité, la société Carla, qui exploite un salon de coiffure sous contrat de franchise, a été assujettie à des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés au titre des exercices clos au cours des années 2012 à 2015 ainsi qu’à l’amende prévue à l’article 1736 du code général des impôts, et s’est vu réclamer des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2015. Par un jugement du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires. La société Carla se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 20 janvier 2023 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté l’appel qu’elle avait formé contre le jugement du 19 octobre 2021 ainsi que ses conclusions tendant à ce qu’il soit sursis à son exécution.

Sur la régularité de la procédure d’imposition :

2. D’une part, aux termes de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales :  » (…) Lorsque l’administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée « . Aux termes de l’article L. 59 du même livre :  » Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l’administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l’avis (…) de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires prévue à l’article 1651 du code général des impôts (…) « . Aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obligation à l’administration de faire mention, dans la réponse aux observations du contribuable prévue par l’article L. 57 du livre des procédures fiscales, de la possibilité qu’a celui-ci de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires en cas de désaccord persistant.

3. D’autre part, aux termes de l’article L. 10 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige :  » (…) Avant l’engagement d’une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l’administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l’administration « .

4. La mention, dans la réponse aux observations du contribuable, de ce qu’il est ou non possible à celui-ci de demander la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires compte tenu de la nature des rectifications maintenues et de la procédure utilisée, prévue par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, ne constitue pas une garantie dont la méconnaissance aurait le caractère d’une irrégularité de nature à entraîner la décharge de l’imposition, l’absence de cette mention n’étant pas susceptible de priver le contribuable du droit qu’il tient de l’article L. 59 du livre des procédures fiscales de saisir cette commission en cas de désaccord persistant.

5. Si, ainsi que l’a relevé la cour dans les motifs de l’arrêt attaqué, le vérificateur a omis de mentionner, dans sa réponse aux observations de la société Carla, contrairement à ce que prévoit la charte des droits et obligations du contribuable vérifié dans sa version remise à cette société, que celle-ci avait la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires, il résulte de ce qui a été dit au point 4 qu’une telle omission n’a pas revêtu le caractère d’une irrégularité de nature à entraîner la décharge de l’imposition. Il y a lieu de substituer ce motif, qui n’implique l’appréciation d’aucune circonstance de fait et qui justifie sur ce point le dispositif de l’arrêt attaqué, à celui retenu par la cour, qui ne saurait, par suite, être utilement critiqué par les moyens du pourvoi.


(…)
























 

Il n'y a pas encore de commentaire.


Ajouter un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *