En pratique
Est irrégulière la procédure d’imposition suivie, après enregistrement de la clôture de la liquidation, avec une personne autre que le mandataire ou qu’une personne pouvant être regardée comme telle.
Le contrôle fiscal des sociétés faisant l’objet d’une liquidation judiciaire est souvent un nid à irrégularités de procédure, comme le confirme cette affaire.
En l’espèce, une SCI avait fait l’objet d’un contrôle sur pièces de ses déclarations de revenus fonciers postérieurement à la clôture de sa liquidation, que son gérant avait assurée en tant que liquidateur. L’administration avait notifié la proposition de rectification des revenus fonciers de la SCI au liquidateur. Ces redressements avaient été contestés au motif de l’irrégularité de cette procédure : le gérant-liquidateur soutenait que, faute pour l’administration, après la publication de la clôture de la liquidation, d’avoir sollicité de la juridiction judiciaire la désignation d’un mandataire ad hoc, la société liquidée puis radiée du registre du commerce et des sociétés n’avait pu être rendue régulièrement destinataire de la proposition de rectification. Les juges du fond avaient toutefois rejeté la demande de décharge.
Par sa décision du 19 juillet, le Conseil d’Etat casse l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon pour erreur de droit à avoir jugé la procédure régulière.
Après avoir cité les articles 1844-7 et 1844-8 du code civil relatifs à la liquidation et à ses effets, le Conseil d’Etat précise, en compétant sa jurisprudence antérieure, les grands principes applicables à la procédure en cas de liquidation.
Il rappelle d’abord que, jusqu’à la date d’enregistrement de la clôture de la liquidation au registre du commerce et des sociétés, le liquidateur a qualité pour représenter la société. En effet, si une société, même non commerciale, prend fin par la dissolution anticipée décidée par les associés, sa personnalité morale subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu’à la publication de la clôture de cette dernière.
Il ajoute ensuite qu’en revanche, postérieurement à l’enregistrement de la clôture de la liquidation, sauf décision qui aurait été prise par les associés conformément aux statuts de la société et qui aurait prolongé le mandat du liquidateur au-delà de cette date, seul un mandataire spécialement désigné par la juridiction judiciaire, à la demande de l’administration ou des anciens associés de la société, dispose de la qualité de représentant de cette société.
Il en déduit que c’est avec ce mandataire que les opérations de contrôle doivent se dérouler et à lui que, dès lors, toute nouvelle pièce de la procédure doit être adressée. Il ajoute toutefois que ces règles ne font pas obstacle, durant la période courant de la date d’enregistrement de la clôture de la liquidation de la société au registre du commerce et des sociétés à la date de désignation d’un mandataire spécialement désigné, à la poursuite des opérations de contrôle, à l’exclusion de la notification de nouvelles pièces de procédure, avec « toute personne pouvant être regardée, dans les circonstances particulières de chaque espèce, comme mandataire ».
Il constate ensuite que, dans l’arrêt attaqué, pour écarter le moyen tiré de l’irrégularité de la procédure, la cour s’était fondée sur la circonstance que le requérant n’avait versé à l’instance aucune pièce de nature à démontrer qu’en l’absence de désignation d’un mandataire par les associés, l’administration aurait été tenue de solliciter une telle désignation. Il juge qu’elle a commis une erreur de droit en statuant ainsi alors qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier qui lui était soumis que le liquidateur avait la qualité de mandataire, ni que l’administration, à qui il revenait, dès lors qu’elle entendait notifier à la SCI alors liquidée une proposition de rectification de ses bases d’imposition, de s’assurer de la qualité du destinataire de cet acte de procédure pour représenter la société, avait effectué une telle diligence.
Le Conseil d’Etat ajoute enfin, de manière inédite par rapport à sa jurisprudence antérieure, qu’il appartenait à la cour au besoin de mettre en œuvre ses pouvoirs d’instruction pour procéder à la vérification de la qualité du destinataire de la proposition de rectification : c’est au juge qu’il incombe de vérifier s’il est ou non mandataire. Le juge ne peut donc se borner à relever que le requérant ne démontre pas la désignation d’un mandataire.
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Nota : La rubrique “En pratique” est conçue pour permettre aux professionnels de la fiscalité d’appréhender rapidement les conséquences pratiques d’un texte afin d’en faciliter la lecture et la mémorisation. De par sa nature, le contenu de cette rubrique peut être réducteur. De plus, elle est rédigée en simultané avec le texte principal et n’est pas mise à jour en fonction de l’évolution des textes, ni de leur interprétation par la jurisprudence ou la doctrine.
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(…)
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société civile immobilière (SCI) La Verrerie, dont M. B… était associé à hauteur de 48 % du capital et gérant puis liquidateur, a fait l’objet d’un contrôle sur pièces de ses déclarations postérieurement à la clôture de sa liquidation, le 20 décembre 2012. A l’issue de cette procédure, l’administration a, le 28 mai 2014, notifié à M. B…, en sa qualité de liquidateur, une proposition de rectification des revenus fonciers de la SCI au titre des années 2011 et 2012. M. B… a été assujetti à des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu à proportion de ses parts sociales dans la SCI. Par un jugement du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. B… tendant à la décharge de ces impositions et n’a pas admis l’intervention à l’instance de Me Tournoud, son conseil. La cour administrative d’appel de Lyon a, par un arrêt du 10 juillet 2023, rejeté les appels formés par l’un et l’autre contre ce jugement. M. B… et Me Tournoud se pourvoient en cassation contre cet arrêt. (…)
Sur l’arrêt attaqué en tant qu’il statue sur le bien-fondé des impositions mises à la charge de M. B… : 3. Aux termes de l’article 1844-7 du code civil dans sa version alors applicable : » La société prend fin : (…) 7° Par l’effet d’un jugement ordonnant la liquidation judiciaire » et en vertu de l’article 1844-8 de ce code : » La dissolution de la société entraîne sa liquidation, hormis les cas prévus à l’article 1844-4 et au troisième alinéa de l’article 1844-5. Elle n’a d’effet à l’égard des tiers qu’après sa publication. Le liquidateur est nommé conformément aux dispositions des statuts. Dans le silence de ceux-ci, il est nommé par les associés ou, si les associés n’ont pu procéder à cette nomination, par décision de justice. Le liquidateur peut être révoqué dans les mêmes conditions. La nomination et la révocation ne sont opposables aux tiers qu’à compter de leur publication. Ni la société ni les tiers ne peuvent, pour se soustraire à leurs engagements, se prévaloir d’une irrégularité dans la nomination ou dans la révocation du liquidateur, dès lors que celle-ci a été régulièrement publiée. La personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu’à la publication de la clôture de celle-ci. (…) « . 4. Il résulte des dispositions citées au point 3 que si une société, même non commerciale, prend fin par la dissolution anticipée décidée par les associés, sa personnalité morale subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu’à la publication de la clôture de cette dernière. Jusqu’à la date d’enregistrement de la clôture de la liquidation au registre du commerce et des sociétés, le liquidateur a qualité pour représenter la société. En revanche, postérieurement à cet enregistrement, sauf décision qui aurait été prise par les associés conformément aux statuts de la société et qui aurait prolongé le mandat du liquidateur au-delà de cette date, seul un mandataire spécialement désigné par la juridiction judiciaire, à la demande de l’administration ou des anciens associés de la société, dispose de la qualité de représentant de cette société. C’est, par suite, avec celui-ci que les opérations de contrôle doivent se dérouler et à lui que, dès lors, toute nouvelle pièce de la procédure doit être adressée. Ces dispositions ne font pas obstacle, durant la période courant de la date d’enregistrement de la clôture de la liquidation de la société au registre du commerce et des sociétés à la date de désignation d’un mandataire spécialement désigné, à la poursuite des opérations de contrôle, à l’exclusion de la notification de nouvelles pièces de procédure, avec toute personne pouvant être regardée, dans les circonstances particulières de chaque espèce, comme
mandataire. 5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’au titre de la régularité de la procédure d’imposition, M. B… soutenait que, faute pour l’administration, après la publication de la clôture de la liquidation de la SCI la Verrerie, d’avoir sollicité de la juridiction judiciaire la désignation d’un mandataire ad hoc, la société liquidée puis radiée du registre du commerce et des sociétés le 20 décembre 2012, dépourvue, à compter de cette date de mandataire social et de représentant, n’avait pu être rendue régulièrement destinataire de la proposition de rectification. 6. Pour écarter ce moyen, la cour s’est fondée sur la circonstance que l’intéressé n’avait versé à l’instance aucune pièce de nature à démontrer qu’en l’absence de désignation d’un mandataire par les associés, l’administration aurait été tenue de solliciter une telle désignation. En statuant ainsi, alors qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier qui lui était soumis que M. B…, qui le contestait, avait cette qualité, ni que l’administration, à qui il revenait, dès lors qu’elle entendait notifier à la SCI alors liquidée une proposition de rectification de ses bases d’imposition, de s’assurer de la qualité du destinataire de cet acte de procédure pour représenter la société, avait effectué une telle diligence, la cour, à qui il incombait au besoin de mettre en oeuvre ses pouvoirs d’instruction pour procéder à cette vérification, a commis une erreur de droit. Il y a lieu par suite d’annuler l’arrêt attaqué en tant qu’il statue sur les impositions mises à la charge de M. B….
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