Aller au contenu

Imposition des crédits d’impôt étrangers

CE, 9 octobre 2024, BNP Paribas, n° 472947 : le Conseil d’Etat tire les conséquences d’une stipulation d’une convention fiscale bilatérale exigeant l’imposition en France d’un crédit d’impôt étranger.

A l’occasion de l’examen d’une affaire portant sur l’application de l’ancienne convention fiscale franco-britannique du 22 mai 1968, le Conseil d’Etat juge que l’imputation, sur l’IS dû en France, du crédit d’impôt conventionnel afférent à des dividendes de source britannique, égal à l’impôt perçu au Royaume-Uni sur une base constituée de la somme des dividendes et d’un avoir fiscal britannique, est subordonnée à l’inclusion de cet avoir fiscal dans les bases de l’impôt dû en France.

En l’espèce, la société résidant en France (BNP Paribas Arbitrage) avait perçu des dividendes de source britannique pour un montant de 2,8 milliards d’euros. Ces dividendes ont ouvert droit, au Royaume-Uni, à un crédit d’impôt égal à 1/9ème de leur montant, par application d’une législation britannique de type avoir fiscal ; la société BNP Paris Arbitrage a toutefois supporté, au Royaume-Uni, une imposition au taux de 10 % portant sur une assiette égale à la somme des dividendes reçus et du crédit d’impôt. Pour la détermination de l’IS dû en France, BNP a sollicité l’imputation d’un crédit d’impôt conventionnel égal à la totalité de l’impôt supporté au Royaume-Uni sans inclusion de l’avoir fiscal britannique dans son bénéfice taxable. L’administration a rejeté sa réclamation et a été suivie par suivie par les juges de première instance et d’appel, qui ont considéré que, pour obtenir l’imputation du crédit d’impôt conventionnel, le crédit d’impôt britannique devait être inclus dans les bases de l’IS dû en France.

Dans la lignée de sa jurisprudence antérieure (cf. CE, 31 mai 2022, HSBC Bank, n° 461519), le Conseil d’Etat réaffirme d’abord la réserve apportée à sa jurisprudence Schneider Electric sur le principe de subsidiarité des conventions fiscales : il appartient au juge de mettre en œuvre les stipulations claires d’une convention relatives, non à la répartition du pouvoir d’imposer entre les deux Etats parties, mais aux modalités d’élimination des doubles impositions.

Il rappelle ensuite que, en vertu de l’article 9 de la convention franco-britannique de 1968 alors applicable, les résident de France qui reçoivent d’une société britannique des dividendes dont ils sont le bénéficiaire effectif ont droit, lorsqu’ils sont assujettis à l’impôt en France à raison de ces dividendes, au crédit d’impôt qui y est attaché et auquel une personne physique résidente du Royaume-Uni aurait eu droit en vertu de la législation sur l’avoir fiscal britannique.

Il fait ensuite application de l’article 24 de la convention, relatif à l’évitement des doubles impositions, qui fait obligation à la France d’accorder à ses résidents percevant des dividendes de source britannique un crédit d’impôt correspondant au montant de l’impôt payé au Royaume-Uni,  qui ne peut excéder le montant de l’impôt français afférent aux revenus susvisés et qui « est imputé sur les impôts [entrant dans le champ de la convention], dans l’assiette desquels ces revenus sont compris ».

Il déduit de ces stipulations que le revenu que tant la France, que le Royaume-Uni, sont autorisés à taxer s’entend de la somme des dividendes et de ce crédit d’impôt, et que l’imputation, sur l’impôt dû en France, du crédit d’impôt conventionnel prévu par l’article 24, égal à l’impôt perçu au Royaume-Uni sur une base constituée de la somme des dividendes et du crédit d’impôt britannique, « est subordonnée à l’inclusion de ce dernier crédit d’impôt dans les bases de l’impôt dû en France ».

Dès lors, il confirme l’arrêt d’appel qui a jugé que le crédit d’impôt britannique devait être inclus dans les bases de l’IS dû en France par le bénéficiaire des dividendes.

Nota : La rubrique “En pratique” est conçue pour permettre aux professionnels de la fiscalité d’appréhender rapidement les conséquences pratiques d’un texte afin d’en faciliter la lecture et la mémorisation. De par sa nature, le contenu de cette rubrique peut être réducteur. De plus, elle est rédigée en simultané avec le texte principal et n’est pas mise à jour en fonction de l’évolution des textes, ni de leur interprétation par la jurisprudence ou la doctrine.

Compte tenu de la sensibilité, de la variété des situations, des enjeux et de l’évolution constante de la matière fiscale, il est recommandé aux non-spécialistes de consulter un professionnel, le plus souvent un avocat fiscaliste, pour assurer la sécurité juridique de leurs opérations. La rédaction décline toute responsabilité quant à l’application des mesures présentées dans la rubrique “En pratique”.

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société anonyme (SA) BNP Paribas est la société mère d’un groupe fiscalement intégré dont est membre la société BNP Paribas Arbitrage, qui a perçu des dividendes de source britannique au cours des exercices clos entre 2005 et 2009 pour un montant total de 2 800 344 055 euros. Ces dividendes ont ouvert droit à leur bénéficiaire, au Royaume-Uni, par application combinée des dispositions de droit interne britannique et des stipulations du paragraphe 2 de l’article 9 de la convention fiscale signée entre la France et le Royaume-Uni le 22 mai 1968, à un crédit d’impôt égal à 1/9ème de leur montant. La société BNP Paris Arbitrage a supporté au Royaume-Uni une imposition au taux de 10 pourcents portant sur une assiette égale à la somme des dividendes reçus et du crédit d’impôt d’1/9ème de leur montant. Lors de la liquidation de l’impôt sur les sociétés dû en France par le groupe au titre de ces cinq exercices, la société mère n’a imputé sur cet impôt, à raison des dividendes perçus par la société BNP Paribas Arbitrage, qu’elle a comptabilisés pour leur montant net encaissé, qu’un crédit d’impôt conventionnel égal aux 2/3 du montant de l’impôt supporté au Royaume-Uni, lui-même égal au crédit d’impôt britannique dont elle avait bénéficié, afin de tenir compte de l’inclusion de ce crédit d’impôt dans le bénéfice soumis à l’impôt sur les sociétés au taux de 33,1/3 pourcent. Estimant toutefois qu’elle était en droit d’imputer un crédit d’impôt égal à la totalité de l’impôt supporté au Royaume-Uni, la société BNP Paribas a demandé, par quatre réclamations, la restitution de la fraction de l’impôt sur les sociétés qu’elle avait selon elle acquittée à tort au titre des cinq exercices en cause, pour un montant total de 103 451 017 euros. Par un jugement du 10 juin 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la restitution de ces sommes. La société BNP Paribas se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 9 février 2023 par lequel la cour administrative d’appel de Versailles a rejeté son appel.

2. Si une convention bilatérale conclue en vue d’éviter les doubles impositions ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l’imposition et si, par suite, il incombe au juge de l’impôt, lorsqu’il est saisi d’une contestation relative à une telle convention, de se placer d’abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l’imposition contestée a été valablement établie avant de déterminer si cette convention fait ou non obstacle à l’application de la loi fiscale, il appartient néanmoins au juge de mettre en oeuvre les stipulations claires d’une convention relatives, non à la répartition du pouvoir d’imposer entre les deux Etats parties, mais aux modalités d’élimination des doubles impositions.

3. D’une part, aux termes de l’article 9 de la convention conclue le 22 mai 1968 entre la France et le Royaume-Uni en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales, dans sa rédaction applicable aux années d’imposition en litige :  » A- Dividendes payés par des sociétés résidentes du Royaume-Uni / 1. a) Les dividendes payés par une société qui est un résident du Royaume-Uni à un résident de France sont imposables en France. / b) Quand un résident de France a droit à un crédit d’impôt à raison d’un tel dividende en vertu du paragraphe 2 du présent article, l’impôt peut aussi être perçu au Royaume-Uni sur la somme du montant ou de la valeur de ce dividende et du montant de ce crédit d’impôt à un taux n’excédant pas 15 pourcents (…). / 2. Sous réserve des dispositions des paragraphes 3, 4 et 5 du présent article, un résident de France qui reçoit d’une société résidente du Royaume-Uni des dividendes dont il est le bénéficiaire effectif a droit, lorsqu’il est assujetti à l’impôt en France à raison de ces dividendes, au crédit d’impôt qui y est attaché et auquel une personne physique résidente du Royaume-Uni aurait eu droit si elle avait reçu ces dividendes et au paiement de l’excédent de ce crédit d’impôt sur l’impôt du Royaume-Uni dont il est redevable (…) « .

4. D’autre part, en vertu des stipulations de l’article 24 de la même convention, dans sa rédaction applicable aux années d’imposition en litige :  » Les doubles impositions des revenus sont évitées de la manière suivante : / (…) b) Dans le cas de la France : / (…) ii) La France accorde au résident de France, qui perçoit des revenus visés aux articles 9 et 17 ayant leur source au Royaume-Uni et ayant supporté l’impôt au Royaume-Uni conformément aux dispositions desdits articles, un crédit d’impôt correspondant au montant de l’impôt payé au Royaume-Uni. Ce crédit d’impôt, qui ne peut excéder le montant de l’impôt français afférent aux revenus susvisés, est imputé sur les impôts visés à l’alinéa b du paragraphe 1 de l’article 1er de la présente Convention, dans l’assiette desquels ces revenus sont compris (…) « .

5. En premier lieu, il résulte des stipulations précitées de l’article 9 de la convention fiscale franco-britannique qu’un résident de France qui reçoit d’une société résidente du Royaume-Uni des dividendes dont il est le bénéficiaire effectif a droit au crédit d’impôt prévu par les dispositions de droit interne britannique, imputable sur l’impôt dû au Royaume-Uni, et que le revenu que tant la France, en application du a) du 1 du A de cet article, que le Royaume-Uni, en application du b) du 1 de ce même A, sont autorisés à taxer s’entend de la somme des dividendes et de ce crédit d’impôt. Il résulte en outre de la combinaison des stipulations de l’article 24 de cette convention, qui a pour objet l’élimination de la double imposition née de la possibilité reconnue concurremment à la France et au Royaume-Uni de taxer les dividendes de source britannique perçus par une entreprise établie en France, et de son article 9, auquel renvoie l’article 24, que l’imputation, sur l’impôt dû en France à raison de tels dividendes, du crédit d’impôt conventionnel prévu par l’article 24, égal à l’impôt perçu au Royaume-Uni sur une base constituée de la somme des dividendes et du crédit d’impôt britannique, est subordonnée à l’inclusion de ce dernier crédit d’impôt dans les bases de l’impôt dû en France.

6. Il résulte de ce qui précède que la cour administrative d’appel de Versailles n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que le crédit d’impôt britannique visé au 2 du A de l’article 9 de la convention devait être inclus dans les bases de l’impôt sur les sociétés dû en France par le bénéficiaire des dividendes.

7. En second lieu, le moyen, présenté à titre subsidiaire, tiré de ce qu’il conviendrait de tirer les conséquences de l’intégration du crédit d’impôt britannique dans les bases de l’impôt sur les sociétés dû en France en déduisant en charge l’excédent de retenue à la source britannique non imputé est nouveau en cassation et, par suite, inopérant.

8. Il résulte de ce qui précède que la société BNP Paribas n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque.





















 

Il n'y a pas encore de commentaire.


Ajouter un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *