En pratique
Les déclarations rectificatives déposés hors délai de déclaration constituent des réclamations contentieuses.
Par une décision rendue le 13 novembre, le Conseil d’Etat met fin à une ligne formaliste suivie parfois par l’administration fiscale et par certains juges du fond, qui refuse de voir une réclamation fiscale dans les liasses rectificatives qui ne sont pas accompagnées de l’exposé de moyens à l’appui de la demande.
En l’espèce, la société requérante avait déclaré un bénéfice taxable au titre de l’exercice clos en 2013. Puis, en 2016, soit hors délai de déclaration, mais dans le délai de réclamation, elle avait déposé une liasse rectificative d’IS faisant apparaître un déficit au titre de cet exercice. Cet envoi étant resté sans réponse, elle a ensuite, cette fois au-delà du délai de réclamation, déposé une réclamation tendant à la restitution de l’IS acquitté au titre de l’exercice 2013. L’administration l’a rejetée en considérant que la liasse rectificative ne pouvait être regardée comme ayant interrompu le délai de réclamation dès lors qu’elle n’était pas accompagnée d’un écrit exposant les moyens et conclusions de son auteur. Elle a donc rejeté comme tardive la réclamation déposée ensuite hors délai.
L’administration avait été suivie par le tribunal administratif de Toulon et par la cour administrative d’appel de Marseille. Tout en reconnaissant que le LPF, à son article R.200-2, permet la régularisation des réclamations ne comportant pas l’exposé des moyens et conclusions, ils ont considéré qu’une simple liasse rectificative ne pouvait être regardée comme une réclamation.
Le Conseil d’Etat casse l’arrêt d’appel : retenant une approche pragmatique et peu formaliste, il juge qu’une déclaration rectificative constitue une réclamation contentieuse préalable lorsqu’elle a été déposée après l’expiration du délai de déclaration, puisqu’elle tend, par elle-même, à la réparation d’erreurs commises dans l’assiette ou le calcul des impositions ou au bénéfice d’un droit résultant d’une disposition législative ou réglementaire, comme le prévoit l’article L. 190 du LPF. Il va de soi qu’en déclarant un bénéfice plus faible que celui initialement déclaré, voire un déficit, une société sollicite la restitution partielle ou totale de l’IS acquitté.
Il en déduit que le juge d’appel a inexactement qualifié les faits en jugeant que la liasse transmise par la société requérante ne constituait pas une réclamation, précisant par là-même que le juge de cassation contrôle la qualification de réclamation fiscale au sens de l’article L. 190 du LPF.
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Compte tenu de la sensibilité, de la variété des situations, des enjeux et de l’évolution constante de la matière fiscale, il est recommandé aux non-spécialistes de consulter un professionnel, le plus souvent un avocat fiscaliste, pour assurer la sécurité juridique de leurs opérations. La rédaction décline toute responsabilité quant à l’application des mesures présentées dans la rubrique “En pratique”.
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Fractalys a été assujettie selon ses propres déclarations à une cotisation d’impôt sur les sociétés au titre de l’exercice clos en 2013. Par un jugement du 27 septembre 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la restitution de cette cotisation. La société Fractalys se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 3 mars 2023 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel qu’elle avait formé contre ce jugement.
2. Aux termes de l’article L. 190 du livre des procédures fiscales : » Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l’administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu’elles tendent à obtenir soit la réparation d’erreurs commises dans l’assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d’un droit résultant d’une disposition législative ou réglementaire. (…) « . Aux termes de l’article R. 190-1 du même livre : » Le contribuable qui désire contester tout ou partie d’un impôt qui le concerne doit d’abord adresser une réclamation au service territorial, selon le cas, de la direction générale des finances publiques (…) dont dépend le lieu de l’imposition / (…) « . Aux termes de l’article R. 197-3 de ce livre : » Toute réclamation doit à peine d’irrecevabilité : / a) Mentionner l’imposition contestée ; / b) Contenir l’exposé sommaire des moyens et les conclusions de la partie ; / c) Porter la signature manuscrite de son auteur ; à défaut l’administration invite par lettre recommandée avec accusé de réception le contribuable à signer la réclamation dans un délai de trente jours ; / d) Etre accompagnée soit de l’avis d’imposition, d’une copie de cet avis ou d’un extrait du rôle, soit de l’avis de mise en recouvrement ou d’une copie de cet avis, soit, dans le cas où l’impôt n’a pas donné lieu à l’établissement d’un rôle ou d’un avis de mise en recouvrement, d’une pièce justifiant le montant de la retenue ou du versement. / La réclamation peut être régularisée à tout moment par la production de l’une des pièces énumérées au d / (…) « . Aux termes de l’article
R. 200-2 du même livre : » (…) / Les vices de forme prévus aux a, b, et d de l’article R. 197-3 peuvent, lorsqu’ils ont motivé le rejet d’une réclamation par l’administration, être utilement couverts dans la demande adressée au tribunal administratif. / (…) « .
3. Une déclaration rectificative qui tend, par elle-même, à la réparation d’erreurs commises dans l’assiette ou le calcul des impositions ou au bénéfice d’un droit résultant d’une disposition législative ou réglementaire, constitue une réclamation contentieuse préalable au sens et pour l’application des dispositions citées au point 2 lorsqu’elle a été déposée auprès de l’administration fiscale après l’expiration du délai de déclaration.
4. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que la cour administrative d’appel de Marseille a jugé que le courrier du 18 mars 2016 par lequel l’administrateur judiciaire de la société Fractalys avait déposé une déclaration rectificative au titre de l’exercice clos en 2013 faisant apparaître un déficit, ne pouvait être regardé comme constituant une réclamation préalable au sens de l’article L. 190 du livre des procédures fiscales en l’absence des mentions prévues par les dispositions de l’article R. 197-3 du même livre, et que la société n’était pas fondée à se prévaloir de la faculté de régularisation prévue par les dispositions de l’article
R. 200-2 de ce livre en l’absence de réclamation préalable, même incomplète. Elle en a déduit que la demande présentée par la société Fractalys devant le tribunal administratif de Toulon était, à défaut d’avoir été précédée d’une réclamation préalable adressée aux services fiscaux avant le
31 décembre 2016, irrecevable.
5. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu’en jugeant que la déclaration rectificative relative à l’impôt sur les sociétés au titre de l’exercice clos en 2013, déposée le 18 mars 2016, après l’expiration du délai de déclaration, ne pouvait être regardée comme constituant une réclamation préalable au sens de l’article L. 190 du livre des procédures fiscales, la cour administrative d’appel a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis. Par suite, la société Fractalys est fondée, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’autre moyen de son pourvoi, à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque.
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