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Régime Dutreil réputé acquis (2/3)

Cass. com., 24 janv. 2024, n° 22-10.413 : en cas d’engagement collectif de conservation réputé acquis, l’exonération ne s’applique que si l’un des héritiers, donataires ou légataires remplit la condition de direction pendant les trois années suivant la transmission

Au cours de la période récente, les juridictions judiciaires ont rendu plusieurs arrêts importants sur le dispositif « Dutreil ». Si certains d’entre eux semblent trancher des questions ponctuelles, ils sont toutefois révélateurs de la manière dont le juge interprète plus globalement l’article 787 B du CGI. Par ailleurs, certains litiges relatifs à l’ancienne exonération ISF-Dutreil ou à celle des biens professionnels, tranchés récemment par la Cour de cassation, sont riches d’enseignement pour l’exonération de droits de mutation. Ces arrêts invitent donc à s’interroger sur leurs conséquences indirectes sur les conditions de bénéfice du dispositif. C’est l’objet des lignes qui suivent, qui engagent une réflexion qui sera approfondie lors de la conférence du 27 mars.

Par cet arrêt, la Cour de cassation est venue conforter la doctrine administrative qui, depuis une réponse ministérielle Moreau du 7 mars 2017 (n° 99759, JO AN p. 1983), estime que, dans le cadre du régime dit « réputé acquis », le donateur ne peut plus exercer seul la direction de la société après donation, alors que cela reste possible lorsqu’un engagement collectif a été souscrit.

Si l’arrêt se borne à trancher cette question propre à la fonction de direction, on peut toutefois s’interroger sur ses conséquences plus larges sur le régime de l’engagement réputé acquis.

Il faut en effet revenir sur le raisonnement suivi par la Cour de cassation : elle déduit cette règle d’une lecture combinée des dispositions du a et du d de l’article 787 B du CGI. En effet, le d exige que « l’un des associés mentionnés au a ou l’un des héritiers, donataires ou légataires mentionnés au c » exerce la fonction de direction après transmission. Dans la mesure où aucun associé ne reste tenu à l’engagement collectif après transmission dans le cadre du régime réputé acquis, seuls les héritiers, donataires ou légataires peuvent remplir cette condition.

Dès lors que cet arrêt refuse de qualifier le donateur, après donation, d’associé à l’engagement collectif au sens de l’article 787 B, et refuse de voir dans l’engagement réputé acquis un engagement collectif au sens du a de cet article, il pourrait avoir des conséquences indirectes sur l’application d’autres dispositions de cet article qui se réfèrent à cette notion.

Par exemple, il paraît logique que, dès lors que l’engagement collectif réputé acquis n’a pas d’associés, il ne peut être regardé comme pris par d’autres personnes que le donateur ou défunt et son conjoint : il ne saurait donc permettre à des tierces personnes, même des sociétés détenues par le donateur ou défunt, de s’y associer. Certes, les participations indirectes détenues par le donateur ou défunt sont prises en compte depuis la loi de finances pour 2019, mais les sociétés interposées ne semblent pas pour autant pouvoir être regardées comme associées de l’engagement, à la différence du cas où un engagement collectif a été souscrit. Mais alors, peut-on tenir compte des titres détenus par ces sociétés pour l’appréciation du respect des seuils de détention ?

Autre exemple de question soulevée par cet arrêt : dès lors que l’engagement réputé acquis n’a pas d’associés, le deuxième alinéa du 1 du b de l’article 787 B du CGI, qui permet les cessions entre associés durant l’engagement collectif, paraît inapplicable et sans objet dans le cadre du régime réputé acquis. Dans ces conditions, peut-on néanmoins admettre les cessions de titres entre les deux conjoints, pendant la période de deux ans préalable à la transmission ?

Nota : La rubrique “En pratique” est conçue pour permettre aux professionnels de la fiscalité d’appréhender rapidement les conséquences pratiques d’un texte afin d’en faciliter la lecture et la mémorisation. De par sa nature, le contenu de cette rubrique peut être réducteur. De plus, elle est rédigée en simultané avec le texte principal et n’est pas mise à jour en fonction de l’évolution des textes, ni de leur interprétation par la jurisprudence ou la doctrine.

Compte tenu de la sensibilité, de la variété des situations, des enjeux et de l’évolution constante de la matière fiscale, il est recommandé aux non-spécialistes de consulter un professionnel, le plus souvent un avocat fiscaliste, pour assurer la sécurité juridique de leurs opérations. La rédaction décline toute responsabilité quant à l’application des mesures présentées dans la rubrique “En pratique”.

 

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