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Délai de reprise de 10 ans en cas d’absence de déclaration des comptes bancaires ouverts à l’étranger

Retour sur la décision du CE du 14 octobre 2024. Le Conseil d’Etat a apporté une nouvelle précision portant sur le champ de l’obligation déclarative : il appartient au contribuable de prouver en cas de redressement, que le compte a été clos ou n’a pas été utilisé au cours de certaines des années concernées

Les articles 1649 A du CGI et 344 A de l’annexe III à ce même code, qui instaurent l’obligation, pour tout contribuable domicilié en France, de déclarer à l’administration les références de tout compte bancaire ouvert, utilisé ou clos à l’étranger, prévoient qu’à défaut d’une telle déclaration, les fonds ayant transité par ce compte sont réputés constituer des revenus imposables, sauf si le contribuable apporte la preuve que les sommes en question n’entraient pas dans le champ d’application de l’impôt ou en étaient exonérées, ou qu’elles constituaient des revenus qui avaient déjà été soumis à l’impôt. Par ailleurs, l’article L. 169 du LPF permet à l’administration fiscale de disposer d’un droit de reprise qui s’étend jusqu’à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due lorsque les obligations déclaratives prévues à l’article 1649 A du CGI n’ont pas été respectées.

Par une décision du 8 mars 2023 (n° 463267), le Conseil d’Etat avait apporté une première précision sur la portée de ce dispositif anti-évasion fiscale en jugeant que cette obligation déclarative porte sur tout compte bancaire ouvert ou utilisé à l’étranger par une personne physique, une association ou une société domiciliée ou établie en France, quel que soit le titulaire de ce compte, y compris si ce titulaire est une société commerciale. Face aux inquiétudes suscitées par cette jurisprudence, la réponse ministérielle Mizzon du 31 août 2023 a précisé que le fait pour une personne de détenir une participation dans une société étrangère ou d’en être le dirigeant ne la fait pas, à lui seul, entrer dans le champ de l’obligation déclarative. Un dirigeant résident de France d’une société établie à l’étranger n’est ainsi soumis à l’obligation déclarative que si cette entité a pris en charge à son profit des dépenses à caractère personnel.

Par une décision n° 489580 du 14 octobre 2024, le Conseil d’Etat a apporté une nouvelle précision portant sur le champ de l’obligation déclarative. Il avait déjà eu l’occasion de juger, s’agissant des opérations de crédit ou de débit caractérisant l’utilisation d’un compte, que n’en font pas partie les opérations de crédit se bornant à inscrire sur le compte les intérêts produits par les sommes déjà déposées au titre des années précédentes ainsi que les débits correspondant au paiement de frais de gestion pour la tenue du compte (CE, 4 mars 2019 n° 410492). Par sa décision rendue le 14 octobre 2024, le Conseil d’Etat précise cette fois ce qu’il convient d’entendre par compte bancaire « utilisé à l’étranger » : il ne s’agit pas uniquement des comptes dont le contribuable est titulaire ou sur lesquels il dispose d’une procuration, mais de l’ensemble des comptes qu’il a utilisés. 

Au cas particulier, la contribuable n’était ni titulaire du compte ni détenteur d’une procuration sur celui-ci, mais a donné son accord pour que soit portées au crédit de celui-ci les sommes liées à la cession de titres suite à l’exercice d’options après le décès de son conjoint. La circonstance que les sommes en cause n’aient pas été immédiatement disponibles a été jugée inopérante, dès lors que le compte a été significativement mouvementé à la suite d’une décision émanant de la contribuable. La décision du Conseil d’Etat valide en conséquence le redressement qui lui a été notifié.

Nota : La rubrique “En pratique” est conçue pour permettre aux professionnels de la fiscalité d’appréhender rapidement les conséquences pratiques d’un texte afin d’en faciliter la lecture et la mémorisation. De par sa nature, le contenu de cette rubrique peut être réducteur. De plus, elle est rédigée en simultané avec le texte principal et n’est pas mise à jour en fonction de l’évolution des textes, ni de leur interprétation par la jurisprudence ou la doctrine.

Compte tenu de la sensibilité, de la variété des situations, des enjeux et de l’évolution constante de la matière fiscale, il est recommandé aux non-spécialistes de consulter un professionnel, le plus souvent un avocat fiscaliste, pour assurer la sécurité juridique de leurs opérations. La rédaction décline toute responsabilité quant à l’application des mesures présentées dans la rubrique “En pratique”.


Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, époux de Mme A, s’était vu attribuer des options sur titres de la société américaine B. A la suite d’un contrôle sur pièces, l’administration fiscale a, notamment, estimé que la quote-part revenant à Mme A et à sa fille, alors rattachée à son foyer fiscal, du gain résultant de la levée de ces options postérieurement au décès de M. A, survenu le 11 novembre 2011, suivi de leur cession, aurait dû être incluse dans les revenus déclarés par elle au titre de l’année 2012. L’intéressée a en conséquence été assujettie à des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales. Mme A se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 22 septembre 2023 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté l’appel qu’elle avait formé contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 16 mars 2022 rejetant sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaire

2. En premier lieu, aux termes de l’article L. 169 du livre des procédures fiscales : « Pour l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l’administration des impôts s’exerce jusqu’à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due. / (…) / Le droit de reprise de l’administration s’exerce jusqu’à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due, lorsque les obligations déclaratives prévues aux articles 123 bis, 209 B, 1649 A, 1649 AA et 1649 AB du même code n’ont pas été respectées. (…) Le droit de reprise de l’administration concerne les seuls revenus ou bénéfices afférents aux obligations déclaratives qui n’ont pas été respectées ».

3. Aux termes de l’article 1649 A du code général des impôts dans sa rédaction applicable à la procédure en litige : « (…) Les personnes physiques, les associations, les sociétés n’ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l’étranger. Les modalités d’application du présent alinéa sont fixées par décret. / Les sommes, titres ou valeurs transférés à l’étranger ou en provenance de l’étranger par l’intermédiaire de comptes non déclarés dans les conditions prévues au deuxième alinéa constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables »Aux termes de l’article 344 A de l’annexe III au code général des impôts dans cette même rédaction : « « I. – Les comptes à déclarer en application du deuxième alinéa de l’article 1649 A du code général des impôts sont ceux ouverts auprès de toute personne de droit privé ou public qui reçoit habituellement en dépôt des valeurs mobilières, titres ou espèces. / (…) III. – La déclaration de compte mentionnée au II porte sur le ou les comptes ouverts, utilisés ou clos, au cours de l’année ou de l’exercice par le déclarant, l’un des membres de son foyer fiscal ou une personne rattachée à ce foyer. / Un compte est réputé avoir été utilisé par l’une des personnes visées au premier alinéa dès lors que celle-ci a effectué au moins une opération de crédit ou de débit pendant la période visée par la déclaration, qu’elle soit titulaire du compte ou qu’elle ait agi par procuration, soit pour elle‑même, soit au profit d’une personne ayant la qualité de résident. »

4. Il ressort des travaux préparatoires de la loi de finances pour 1990 dont sont issues les dispositions de l’article 1649 A du code général des impôts que le législateur, en mettant en place une obligation de déclarer les comptes bancaires utilisés à l’étranger, a entendu instaurer une procédure de déclaration des mouvements de fonds sur de tels comptes afin de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, s’agissant de contribuables qui ne sont pas astreints à la tenue d’une comptabilité et d’opérations bancaires pour lesquelles l’administration ne peut se faire communiquer les relevés en exerçant le droit de communication qui lui est ouvert par l’article L. 83 du livre des procédures fiscales. Eu égard à l’objet des dispositions en cause, un compte bancaire ne peut être regardé comme ayant été utilisé par un contribuable pour une année donnée que si ce dernier a, au cours de cette année, effectué au moins une opération de crédit ou de débit sur le compte.

5. Il résulte en outre des dispositions précitées de l’article 1649 A du code général des impôts et de l’article 344 A de l’annexe III à ce code, dans leur version applicable au litige, que l’obligation de déclaration ne porte pas uniquement sur les comptes dont le contribuable est titulaire ou sur lesquels il dispose d’une procuration, mais sur tous les comptes qu’il a utilisés.

6. La cour a relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que Mme A avait, postérieurement au décès de son époux, donné à la société O l’ordre de procéder à la levée des options sur titres détenues par celui-ci, puis à la cession des titres correspondants, et qu’elle avait eu connaissance avant la fin de l’année 2012 du compte bancaire, ouvert auprès d’une banque située aux Etats-Unis, sur lequel avaient été versés les produits de cession, ainsi qu’elle l’avait elle-même indiqué à l’administration fiscale dans ses observations des 18 février 2016 et 22 juin 2017. En la regardant comme ayant utilisé ce compte et comme étant en conséquence soumise à l’obligation déclarative prescrite par les articles 1649 A du code général des impôts et 344 A de l’annexe III à ce code, alors même qu’elle n’en était pas le titulaire et qu’elle n’avait pas agi par procuration, la cour n’a pas méconnu ces dispositions (…) ».



























 

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