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Réaffirmation par la Cour de cassation du principe de loyauté envers le contribuable

Cass. com., 27 novembre 2024, n° 23-10.623 et s. : contrairement au Conseil d’Etat, la Cour de cassation réaffirme l’exigence de loyauté de l’administration fiscale, sans toutefois en tirer de conséquences autres que celles posées par le LPF.

L’année 2024 se clôt par une série d’arrêts de la Cour de cassation qui font écho à une position prise par le Conseil d’Etat en début d’année.

Par une décision du 5 février 2024 (ministre contre société CGI France), le Conseil d’Etat a jugé qu’un contribuable ne peut pas utilement se prévaloir de la méconnaissance par l’administration fiscale d’un « principe de loyauté » dans la procédure de contrôle et de rectification : il considère qu’une telle exigence n’existe pas en dehors des garanties prévues par le législateur.

Par ses arrêts du 27 novembre 2024, la Cour de cassation juge au contraire, dans le prolongement d’une jurisprudence antérieure dont elle confirme ainsi le maintien, que l’administration est tenue à une obligation de loyauté dans l’établissement des impositions.

Toutefois, dans ces arrêts, elle n’en tire pas d’exigences autres que celles qui découlent du LPF.

En l’espèce, les contribuables avaient sollicité une réduction d’ISF sur la base d’investissements au capital de sociétés qu’ils présentaient comme holdings animatrices de groupe. L’administration a estimé que les sociétés n’avaient pas cette qualité et leur avait adressé une proposition de rectification.

Pour demander la décharge, les contribuables soutenaient que l’administration est tenue d’identifier avec précision, dans sa proposition de rectification, les documents sur lesquels elle se fonde ainsi que ceux qu’elle n’a pas retenus, et qu’elle méconnaît le principe de loyauté en n’adressant pas une liste des documents qu’elle invoque. Ils faisaient aussi valoir qu’en application de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE, la Cour de justice exige que l’administration fiscale indique au contribuable les éléments qu’elle a retenus tant à charge qu’à décharge, allant ainsi au-delà de l’exigence posée par l’article L. 76 B du LPF, qui ne vise que les documents obtenus de tiers et effectivement utilisés pour fonder les rectifications.

La Cour de cassation écarte son argumentation.

Elle rappelle d’abord que la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne n’est pas applicable dès lors que l’ISF n’entre pas dans le champ d’application du droit de l’Union, et qu’il en va de même de l’article 6 § 1 de la CEDH en l’absence de contestation propre aux pénalités.

Elle juge ensuite que ni l’article L. 76 B du LPF, ni l’obligation de loyauté dans l’établissement des impositions à laquelle l’administration fiscale est tenue ne lui imposent de mettre à la disposition du contribuable les documents qu’elle n’a pas retenus pour fonder les rectifications, afin de permettre à ce dernier d’apprécier si, parmi ces documents, figurent des éléments de nature à démontrer que l’imposition réclamée n’est pas due.

Elle ajoute que rien n’impose non plus à l’administration fiscale d’adresser aux contribuables une liste spécifique des documents qu’elle invoque dés lors qu’ils sont identifiés dans le contenu de la proposition de rectification.

Cette solution paraît transposable à l’IFI et aux droits de mutation.

Nota : La rubrique “En pratique” est conçue pour permettre aux professionnels de la fiscalité d’appréhender rapidement les conséquences pratiques d’un texte afin d’en faciliter la lecture et la mémorisation. De par sa nature, le contenu de cette rubrique peut être réducteur. De plus, elle est rédigée en simultané avec le texte principal et n’est pas mise à jour en fonction de l’évolution des textes, ni de leur interprétation par la jurisprudence ou la doctrine.

Compte tenu de la sensibilité, de la variété des situations, des enjeux et de l’évolution constante de la matière fiscale, il est recommandé aux non-spécialistes de consulter un professionnel, le plus souvent un avocat fiscaliste, pour assurer la sécurité juridique de leurs opérations. La rédaction décline toute responsabilité quant à l’application des mesures présentées dans la rubrique “En pratique”.


6. En premier lieu, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne n’est pas applicable au présent litige, dès lors que l’ISF n’entre pas dans le champ d’application du droit de l’Union. Il en va de même de l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui n’est pas applicable au contentieux fiscal lorsque le contribuable se borne, comme en l’espèce, à contester le bien-fondé des suppléments d’impôt mis à sa charge sans présenter de contestation propre aux pénalités.

7. En second lieu, selon l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales, l’administration fiscale est tenue d’informer le contribuable de la teneur et de l’origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s’est fondée pour établir l’imposition faisant l’objet de la proposition de rectification et communique, avant la mise en recouvrement, une copie de ces documents au contribuable qui en fait la demande.

8. L’obligation qui résulte de ce texte ne s’impose à l’administration que pour les seuls renseignements et documents effectivement utilisés pour fonder les rectifications, qu’elle a obtenus de tiers, dont le contribuable doit être informé avec une précision suffisante pour lui permettre de discuter utilement leur origine ou de demander qu’ils soient mis à sa disposition.

9. Ni ce texte ni l’obligation de loyauté dans l’établissement des impositions à laquelle l’administration fiscale est tenue ne lui imposent de mettre à la disposition du contribuable les documents qu’elle n’a pas retenus pour fonder les rectifications, afin de permettre à ce dernier d’apprécier si, parmi ces documents, figurent des éléments de nature à démontrer que l’imposition réclamée n’est pas due.

10. Ce texte n’impose pas non plus à l’administration fiscale d’adresser aux contribuables une liste spécifique des documents qu’elle invoque dés lors qu’ils sont identifiés dans le contenu de la proposition de rectification.

11. Par ailleurs, l’obligation qui résulte de l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales ne porte pas sur les documents rendus accessibles au public en vertu d’une obligation légale, lesquels ne doivent être mis à la disposition du contribuable que si celui-ci indique n’avoir pu y avoir accès.

12. L’arrêt énonce que proposition de rectification de l’administration fiscale mentionne les faits constatés lors de la vérification de la comptabilité de la société Finaréa Développement et du GIE Finaréa Services. Il ajoute que M. et Mme [D] ne précisent pas les pièces recueillies auprès de tiers autres que celles émanant de la société Finaréa développement dont ils sont associés qui auraient dû être communiquées et que dans sa réponse du 9 janvier 2013 l’administration fiscale réplique point par point et de manière motivée aux contestations des contribuables. De ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d’appel a déduit à bon droit que la procédure était régulière.

13. Le moyen n’est donc fondé en aucune de ses branches.



























 

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