En pratique
Les contribuables peuvent attaquer pour excès de pouvoir les décisions implicites nées du silence du collège de second examen des demandes de rescrits à l’expiration d’un délai de trois mois, à condition que ces décisions entraînent des effets notables autres que fiscaux.
Cela fait huit ans que, par une décision Société export Press, le Conseil d’Etat a ouvert une voie de recours contre les réponses défavorables de l’administration aux demandes de rescrit fiscal, à condition que ces réponses aient des effets notables autres que fiscaux.
Le contribuable avait tenté d’emprunter cette voie dans la présente affaire afin de régler un différend portant sur la fiscalité applicable lors de la cession de titres souscrits, dans un PEA, en exercice de bons de souscription de parts de créateur d’entreprises (BSPCE).
Il avait d’abord saisi l’administration fiscale d’une demande de rescrit, sur le fondement de l’article L. 80 B du LPF. Celle-ci lui a répondu qu’un tel gain de cession est exonéré d’impôt sur le revenu sur le fondement du 5° bis de l’article 157 du CGI, mais que la fraction de la plus-value de cession correspondant au gain d’exercice de tels bons est imposée dans les conditions prévues à l’article 163 bis G du CGI.
Il a ensuite saisi le collège national de second examen de la DGFiP, ainsi que le permet l’article L. 80 CB du LPF. Ce collège ne lui ayant pas répondu, il a attaqué directement, devant le Conseil d’Etat, la décision implicite par laquelle il a refusé de réviser la position initiale de l’administration. L’administration en défense lui opposait une fin de non-recevoir en estimant que son recours était irrecevable faute d’existence d’une décision du collège.
La décision du Conseil d’Etat apporte d’abord une importante clarification en jugeant que le silence du collège de second examen n’empêche pas le recours : après avoir rappelé que l’article L. 80 CB du LPF prévoit que le collège se prononce selon le même délai que celui applicable à la demande initiale (en principe trois mois),il juge que son silence à l’expiration de ce délai fait naître une décision implicite de confirmation de sa prise de position initiale. Il écarte, pour ce motif, la fin de non-recevoir opposée par le ministre.
En revanche, dans un second temps, il juge que la décision attaquée refusant l’exonération du gain d’exercice de BSPCE n’emporte aucun effet autre que fiscal, si bien que le recours est irrecevable. Pour ce faire, il relève que le contribuable se bornait à soutenir que la prise de position contestée avait pour conséquence, s’il s’y conformait, l’imposition, lors de la cession de titres souscrits dans un PEA en exercice de BSPCE, du gain résultant de l’exercice de ces bons, y compris dans l’hypothèse où le prix de cession s’avèrerait inférieur à la valeur réelle des titres au jour de leur souscription, et sans que cette perte puisse être imputée sur le gain d’exercice. Il juge que ces circonstances n’établissent aucun effet autre que fiscal au sens de sa jurisprudence Société Export Press.
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Nota : La rubrique “En pratique” est conçue pour permettre aux professionnels de la fiscalité d’appréhender rapidement les conséquences pratiques d’un texte afin d’en faciliter la lecture et la mémorisation. De par sa nature, le contenu de cette rubrique peut être réducteur. De plus, elle est rédigée en simultané avec le texte principal et n’est pas mise à jour en fonction de l’évolution des textes, ni de leur interprétation par la jurisprudence ou la doctrine.
Compte tenu de la sensibilité, de la variété des situations, des enjeux et de l’évolution constante de la matière fiscale, il est recommandé aux non-spécialistes de consulter un professionnel, le plus souvent un avocat fiscaliste, pour assurer la sécurité juridique de leurs opérations. La rédaction décline toute responsabilité quant à l’application des mesures présentées dans la rubrique “En pratique”.
1. M. B… demande l’annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle le collège national de second examen de la direction générale des finances publiques a refusé de réviser la position prise par l’administration fiscale le 23 février 2024 en application du 1° de l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales, selon laquelle si le gain résultant de la cession de titres souscrits, dans un plan d’épargne en actions, en exercice de bons de souscription de parts de créateur d’entreprises est exonérée d’impôt sur le revenu sur le fondement du 5° bis de l’article 157 du code général des impôts, la fraction de la plus-value de cession correspondant au gain d’exercice de tels bons est imposée dans les conditions prévues à l’article 163 bis G du même code.
2. Aux termes du premier alinéa de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales : » Il ne sera procédé à aucun rehaussement d’impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l’administration est un différend sur l’interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s’il est démontré que l’interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l’époque, formellement admise par l’administration « . Aux termes de l’article L. 80 B du même livre : » La garantie prévue au premier alinéa de l’article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l’administration a formellement pris position sur l’appréciation d’une situation de fait au regard d’un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu’elle est saisie d’une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi (…) « .
3. Aux termes de l’article L. 80 CB du même livre : » Lorsque l’administration a pris formellement position à la suite d’une demande écrite, précise et complète déposée au titre des 1° à 6° ou 8° de l’article L. 80 B ou de l’article L. 80 C par un redevable de bonne foi, ce dernier peut saisir l’administration, dans un délai de deux mois, pour solliciter un second examen de cette demande, à la condition qu’il n’invoque pas d’éléments nouveaux. / (…) Lorsqu’elle est saisie d’une demande de second examen, auquel elle procède de manière collégiale, l’administration répond selon les mêmes règles et délais que ceux applicables à la demande initiale, décomptés à partir de la nouvelle saisine. / A sa demande, le contribuable ou son représentant est entendu par le collège (…) « .
4. Une prise de position formelle de l’administration sur une situation de fait au regard d’un texte fiscal en réponse à une demande présentée par le contribuable dans les conditions prévues par les dispositions mentionnées au point 2 a, au regard des effets qu’elle est susceptible d’avoir pour le contribuable et, le cas échéant, pour les tiers intéressés, le caractère d’une décision.
5. En principe, une telle décision ne peut, compte tenu de la possibilité d’un recours de plein contentieux devant le juge de l’impôt, pas être contestée par le contribuable par la voie du recours pour excès de pouvoir. Toutefois, cette voie de droit est ouverte lorsque la prise de position de l’administration, à supposer que le contribuable s’y conforme, entraînerait des effets notables autres que fiscaux et qu’ainsi, la voie du recours de plein contentieux devant le juge de l’impôt ne lui permettrait pas d’obtenir un résultat équivalent.
6. Lorsqu’une prise de position en réponse à une demande relevant de l’article L. 80 B ou de l’article L. 80 C du livre des procédures fiscales présente le caractère d’une décision susceptible d’un recours pour excès de pouvoir, le contribuable auteur de la demande qui entend la contester doit saisir préalablement l’administration dans les conditions prévues à l’article L. 80 CB du même livre cité au point 3. La décision par laquelle l’administration fiscale prend position à l’issue de ce second examen se substitue à sa prise de position initiale. Seule cette seconde prise de position peut être déférée au juge de l’excès de pouvoir, auquel il appartient également, si des conclusions lui sont présentées à cette fin, de faire usage des pouvoirs d’injonction qu’il tient du titre Ier du livre IX du code de justice administrative.
7. Il résulte des dispositions citées aux points 2 et 3 que le silence gardé par l’administration à l’expiration du délai prévu au troisième alinéa de l’article L. 80 CB du livre des procédures fiscales sur une demande de second examen fait naître une décision implicite de confirmation de sa prise de position initiale. Par suite, ne peut qu’être écartée la fin de non-recevoir, opposée par le ministre, tirée de l’irrecevabilité des conclusions d’annulation présentées par le requérant, faute d’existence, du fait du silence gardé par celui-ci, d’une décision du collège de second examen, dont il ressort des pièces du dossier que M. B… l’a saisi, dans les formes et délais prescrits, de la prise de position formelle qui lui avait été notifiée.
8. En revanche, en se bornant à soutenir que la prise de position contestée aurait pour conséquence, s’il s’y conformait, l’imposition, lors de la cession de titres souscrits dans un plan d’épargne en actions en exercice de bons de souscription de parts de créateur d’entreprises, du gain résultant de l’exercice de ces bons, y compris dans l’hypothèse où le prix de cession s’avèrerait inférieur à la valeur réelle des titres au jour de leur souscription, et sans que cette perte puisse être imputée sur le gain d’exercice, M. B… ne fait valoir l’existence d’aucun effet autre que fiscal. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que les conclusions présentées par le requérant sont irrecevables.
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